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  • Culture Émergence

C’est pour ton bien

Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant



Initialement paru en 1985, en France, cet essai limpide, et compréhensible par le plus grand nombre, s’interroge sur les conséquences perverses de la « pédagogie noire ». Ce que l’autrice qualifie de « pédagogie noire », c’est cette éducation violente — et supposée bienveillante —, perpétuée depuis la nuit des temps, qui ne laisse aucune chance à l’enfant de faire valoir ses propres intérêts, de développer en toute liberté sa personnalité, son individualité.


Dans la première partie, l’autrice nous décrit les méthodes ancestrales et cruelles d’éducation et leurs effets dévastateurs qui perdurent à gangrener le système éducatif actuel. Selon les pédagogues du temps, plus un·e enfant était formé·e tôt — avant l’apparition de ce qu’on appelle en psychanalyse le moi —, moins il·elle se souvenait des sévices qu’on lui avait infligés. On lui apprenait donc au plus tôt à se renier lui·elle-même, à exterminer son moi, à étouffer toute forme de rébellion, à aimer ses tortionnaires — qu’il·elle·s soient parents ou précepteur·rice·s. Intérioriser leur violence se révélait comme un mal nécessaire afin de mieux s’intégrer à la société et en accepter toute la sauvagerie. Cette répression « éducative », cette persécution — n’ayons pas peur des mots —, était constituée de tout un arsenal de phrases moralisatrices, de bondieuseries perfides, de réprimandes, de sermons, de punitions physiques ou psychologiques et de récompenses. Il n’y avait là aucune volonté d’éveiller, le but poursuivi ambitionnait bel et bien la création d’un·e adulte docile et brisé·e mentalement qui se soumettrait aisément à la brutalité des règles imposées par la communauté. Une sorte d’endoctrinement qui, à force de refoulements émotionnels, concourt à la fabrique de personnes matures instables, névrosées voire aliénées.

Certain·e·s précepteur·rice·s prônaient même d’appliquer sans justification aucune, et sans nul frein, des châtiments corporels aux petit·e·s de moins de trois ans ; leur jeune âge garantissait que leur conscience — le moi freudien, encore inconnu à l'époque — n’en aurait pas souvenir à l’âge d’homme·de femme… Cette sorte d’accoutumance à la violence, d’insensibilité bienfaitrice, voire d’immunisation salvatrice devait prétendument armer le petit être pour l’avenir.

C’est tout ce dressage, cette maltraitance éducative, cette violence larvée que dissèque, révèle et dénonce Alice Miller dans ce livre émaillé d’extraits d’ouvrages pédagogiques des siècles passés.


La seconde partie est réservée à l’étude de cas précis d’adultes dont la petite enfance a été brutalisée par cette funeste « pédagogie noire ». L’autrice y analyse les histoires familiales de Christiane F. qui retournera contre elle la violence éducative de son enfance, celle de Jürgen Bartsch tueur en série notoire et, enfin, celle d’Adolf Hitler…


Violenter un·e enfant n’est pas sans conséquences sur son avenir, sur celui de ses proches, voire sur celui de l’humanité. L’assimilation intellectuelle subconsciente de la violence au point de la banaliser, de la légitimer, semble être un des piliers fondateurs de nos sociétés…


Une découverte obligatoire pour qui veut comprendre l’adulte qu’il·elle est devenu·e. Ne passez pas à côté.



MILLER, Alice. C’est pour ton bien, Barcelone, Flammarion, mars 2015, 380 p., « Champs ».

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